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[Version PDF à télécharger: Parole aux twittos la synthèse]
(Etienne Boillet, université de Poitiers, FoReLLIS)
En amont de la Journée d’Etudes « Vitesse des écritures numériques : le cas Twitter », j’ai adressé à divers twittos des questionnaires sur leur rapport à cette plate-forme de microblogging. Je peux maintenant publier ceux qui m’ont été renvoyés (au nombre de dix-neuf) et en présenter une synthèse.
En préambule, il me faut préciser que je ne suis pas moi-même spécialiste des réseaux sociaux numériques, mais que je connais bien Twitter pour en être un utilisateur assidu depuis début 2017. Ainsi, lorsque mon Equipe d’accueil, FoReLLIS (pôle B1), s’est fixé pour sujet de recherche « La vitesse. Questions de tempo », j’ai pensé aux tweets et à la manière dont je pouvais d’une part organiser une Journée d’Etude, et d’autre part solliciter le réseau de personnes que j’avais rencontrées sur la plate-forme. Puisqu’il m’était plus facile de me tourner vers des comptes avec lesquels j’interagissais, les twittos dont je rapporte ici les propos ont sans surprise un profil semblable au mien. C’est-à-dire, avant tout, que tous pratiquent les jeux de mots. Certains produisent aussi des images (tels que les montages signalés par le hashtag #RetirezMoiPhotoshop[1]). L’art du mot d’esprit est mis par ces auteurs au service d’aphorismes spirituels, de blagues ou bien s’arrête au pur calembour, qui cependant peut donner lieu à des acrobaties linguistiques de haute volée, comme avec les vers holorimes autrefois chers à Alphonse Allais ou Louise de Vilmorin[2]. Parfois, l’amour des mots et de la culture (que partagent notamment Marc Hillman, @intwittoveritas ou @LaurenceRetA) se traduit chez @peaudlapin ou @louleberou dans des compositions en vers de poésie ludique. Cependant, comme on le verra, la plupart préfèrent utiliser Twitter pour publier des plaisanteries volontiers légères (ou grasses, ce qui peut revenir au même)[3]. Dans cet horizon de joyeux drilles, le twitto Paul Lambda se distingue par ses tweets mystérieux, étranges voire surréalistes, où l’intention poétique est souvent plus apparente que la dimension humoristique.
Les éléments récoltés ne sont donc représentatifs que d’une certaine catégorie de twittos (dont je ne proposerai pas une analyse de type sociologique ; d’ailleurs, je n’ai pas demandé l’âge ou la profession de chacun). En raison du caractère subjectif et partiel de la sélection opérée, la synthèse que je propose a donc peu à voir avec les études dites « quantitatives » qu’on pratique en sciences de l’information et de la communication, où l’on prend en compte une masse bien supérieure de données, en recourant par ailleurs à divers outils techniques afin d’établir des statistiques, éventuellement des typologies. De formation littéraire, je ne suis pas vraiment en mesure de fournir ce genre d’analyses.
Les questions posées sont censées faire le tour des thèmes incontournables de Twitter et certaines portent précisément sur les enjeux de la vitesse (vitesse de l’écriture, de la publication, des interactions). Pour les twittos, c’est l’occasion de faire le point sur leur pratique en prenant un peu de recul, afin de formuler explicitement des réflexions ou des doutes qui leur ont traversé l’esprit ou non. Ainsi chacun a-t-il pu en profiter pour dresser un bilan de ce que lui apporte Twitter, que ce soit en bien ou en mal.
Une fois toutes les réponses reçues, je me suis aperçu de l’absence de questions pertinentes que j’aurais pu ou dû poser sur certains autres aspects essentiels (ou du moins qui me tiennent personnellement à cœur), mais qui entraient moins directement dans la perspective de la Journée d’Etude, tournée vers la rapidité des interactions. Je pense notamment au rapport qu’entretiennent les twittos à leur identité numérique, que nous aurions pu explorer en demandant par exemple : « Quel rapport entretenez-vous avec votre moi numérique ? En d’autres termes, qui s’exprime sur Twitter : vous-même ? Une sorte d’avatar ou d’alter-ego ? D’ailleurs, avez-vous un compte secondaire ou ressenti l’envie d’en créer un ? ». Ce sont toutefois des questions que j’ai soumises à Pamela Chougne et à Dimitri Lahaye (@omes_crochus), afin de préparer l’entretien public mené lors de la journée d’études[4]. Dans cet entretien, nous nous sommes arrêtés sur la (faible) durée de vie des tweets et la frustration engendrée par leur côté éphémère. Que reste-t-il de nos « écritures numériques » ? C’est un aspect sur lequel je reviendrai à la fin de cette synthèse.
Le plus souvent, les twittos sont venus à Twitter par le bouche-à-oreille, stimulés par des amis en chair et en os (« IRL », c’est-à-dire In Real Life, comme on dit sur ce réseau). Les raisons sont souvent anecdotiques : « j’avais une fracture du poignet […] qui m’empêchait de conduire. Bloquée à la maison, je me suis inscrite » (@zazlazinz) ; « J’ai découvert Twitter sur les conseils de mon entraîneur de course à pied (comme quoi !) » (@peaudlapin) ; « C’est en écoutant une émission à la radio où Bernard Pivot était invité pour présenter un livre de recueil de ses Tweets » (@louleberou). Certains se sont frottés à Twitter par le biais d’une formation professionnelle (@JeanPaulePanda, @Princess_Clebs). Peu nombreux sont ceux qui présentent des profils de geeks, tel Dimitri Lahaye, graphiste et développeur. Ainsi Emmanuel Talayrach nous apprend-il qu’il a « découvert Twitter un an seulement après avoir découvert internet ». Mais plusieurs ont commencé sur Facebook avant d’adopter également Twitter (@Larayplique), voire ont délaissé le premier pour se consacrer au deuxième (@MonsieurOmega, @intwittoveritas).
Une grande partie de ces experts du jeu de mots confie avoir « toujours écrit ». Lorsqu’ils détaillent le genre de formes littéraires auxquelles ils se sont essayés, on peut noter leur polyvalence. Emmanuel Talayrach :
« J’écrivais souvent avant de connaître Twitter : des chansons (pour des ami(e)s (des cadeaux d’anniversaire généralement sous forme de chansons originales), pour des groupes de potes musiciens et pour moi-même), des poèmes (sonnets à acrostiche (pareil, pour des anniversaires de parents ou d’ami(e)s, des mariages d’ami(e)s ou la naissance de leurs enfants)), des textes de réflexion, d’autres romantiques ou comiques, des débuts (!) de romans, des épisodes pour une série télévisée qui n’a jamais vu le jour. »
Mais si écrire est une chose, publier en est une autre. Marc Hillman fait figure d’exception : c’est après avoir publié plusieurs livres qu’il s’est tourné vers les tweets en parallèle de ses publications (« j’avais déjà publié 3 ouvrages autour du bonheur des mots, et ai pensé que Twitter était le format idéal pour mes aphorismes humoristiques »). Pour Paul Lambda, le recours au numérique pour trouver un public à ses créations littéraires a commencé avant Twitter : « j’ai ‘toujours’ écrit, dont des blogs, un site internet, etc. ». Pamela Chougne également évoque un passage des blogs à Twitter, qui lui semble correspondre à un itinéraire personnel s’inscrivant aussi dans un certain air du temps qu’elle essaye de dater :
« Je viens des blogs, ça signifie que oui, j’écrivais avant, j’avais plusieurs blogs (littéraires et photographiques essentiellement). A un moment, l’esprit blog s’est essoufflé, vers 2009/2010 c’est alors que je me suis retrouvée sur Twitter, au départ pour échanger avec des gens qui avaient les mêmes passions. »
Je sais par ailleurs que Pamela a tenu à éditer un ou plusieurs livres. Il était important que les textes écrits restent sous la forme d’un objet concret, m’avait-elle dit. Quant à @Larayplique, dont on a vu qu’il a adopté Twitter en plus de Facebook, il nous décrit le parcours qui l’a amené d’un « blog de textes humoristico-poétiques » à « l’autopublication d’un recueil, puis posts quotidiens sur Facebook qui donneront un autre recueil, sans l’aspect poétique cette fois ».
Mais, comme je l’ai découvert avec un certain étonnement, certains, comme @peaudlapin, disent n’avoir jamais écrit avant Twitter : « Je n’écrivais pas avant Twitter mais je lisais énormément. Aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse ! ». On peut alors considérer le microblogging comme l’élément déclencheur d’une parole écrite qui ne demandait qu’à s’exprimer. Comme le dit @Mythocondriaque, qui n’avait pas écrit avant Twitter, la plate-forme offre l’occasion d’écrire des pensées intérieures en leur trouvant immédiatement des destinataires : « Je n’écrivais donc pas à l’époque, mais me suis mis à le faire pour partager des pensées humoristique qui me faisaient du bien et que je n’avais plus l’occasion de partager en personne ».
Enfin, à propos de l’écriture et de ses modalités, il aurait été intéressant de savoir si certains avaient pratiqué ou pratiquaient encore l’écriture manuscrite. « J’avais commencé à noter mes bons mots au début des années 2000 sous un format Word », précise @JLGDU54. @mimignardise aussi établit ce lien avec l’informatique, et plus précisément avec le web : « J’ai toujours écrit, mais depuis internet, n’écris plus… Je tape ».
En tout cas, qu’ils aient ou non un passé d’écriture, tous semblent prédisposés à l’écrit court, à l’image de @peaudlapin : « J’aime la concision ». La « vitesse des écritures numériques », dans leur cas, c’est d’abord la brièveté de ces tweets qu’on termine peu après les avoir commencés (quand bien même les cisèlerait-on longuement, cela reste plus court qu’écrire un roman). @intwittoveritas : « Je crois que mon esprit s’est fait à ces tournures brèves. Je revendique aussi une certaine spontanéité » ; @LaRayplique : « Pour moi, c’est juste parfait. Ça force à travailler la concision et donc l’efficacité ».
Aussi, pour presque tous, le nombre limité de caractère n’est nullement un problème, au contraire. @JeanPaulepanda y retrouve le même souci d’efficacité que dans sa pratique de journaliste pour la Presse Quotidienne Régionale, et le copywriter Philipppe Schoepen nous apporte, par sa réponse à la question sur la limite de caractères, une sorte de preuve par l’exemple : « J’écris court donc ça va ». A noter que ce dernier, ainsi que @mimignardise, sont d’ailleurs des habitués des tweets en six mots (signalés par le hashtag #6mots).
Si le terme de « contrainte » est repris par les twittos, c’est soit pour préciser que la limite de caractères n’en est pas une à leurs yeux, soit pour envisager la contrainte comme l’occasion d’un « exercice » (Emmanuel Talayrach, Dimitri Lahaye), à la manière de l’Oulipo. Les twittos parlent même de « défi » (@LaurenceRetA) ou de « challenge » (@MonsieurOmega, @peaudlapin). Du reste, plusieurs soulignent la différence entre 140 et 280 caractères, en se souvenant, avec « nostalgie » comme le dit @peaudlapin, de la nécessité de remanier certains tweets pour les faire tenir en 140.
Marc Hillman, quant à lui, semble appréhender le passage aux 280 comme une pure amélioration, qui permet de s’exprimer brièvement sans toutefois être fréquemment obligé de raccourcir les premiers jets : « Les 140 étaient très contraignants, obligeant à faire des concessions avec la ponctuation et le sens. Les 280 ont réparé cette limitation ». Personne en tout cas ne dit souffrir de la limitation à 280 caractères, et plusieurs notent que celle-ci est facilement contournable grâce à la fonction d’auto-réponse qui permet de constituer un thread, c’est-à-dire un fil de plusieurs tweets à la suite.
A ce sujet, j’ajouterai mon propre témoignage : pour moi, comme pour Pamela Chouagne, qui dit « adorer » cela, l’obligation récurrente de caser une blague en 140 caractères est à l’origine de souvenirs intellectuellement jouissifs (comme lorsque l’on arrive à résoudre un casse-tête). Mais elle impliquait d’appauvrir son vocabulaire en bannissant les mots longs (par exemple divers synonymes de « faire » – « effectuer », « réaliser », etc. – ou de « beau » – « magnifique », « superbe », etc.). Il fallait aussi limiter au maximum l’adjectivation, ou encore s’interdire le recours à des subordonnées complexes – qui restent toutefois inadaptées à la forme-tweet, même en moins de 280. Ainsi, le passage aux 280 nous conduit bien moins souvent à cette opération d’élagage et aux plaisirs qu’on peut ressentir quand on la mène à bien, mais permet d’enrichir confortablement le lexique de ses tweets. Je noterai enfin que Patrick Baud (que j’avais essayé de solliciter), blogueur et écrivain populaire aux créations protéiformes, a publié ses « nanofictions » avec le compte du même nom (@nanofictions) après le passage aux 280, et qu’elles paraissent toutes dépasser les 140, sauf peut-être à de très rares exceptions[5].
La contrainte des 140 caractères participait ainsi d’un aspect primordial de Twitter abordé dans le questionnaire : la dimension ludique. Pour toutes les personnes interrogées, Twitter est avant tout un jeu.
Un jeu qui ne serait pas aussi plaisant sans les interactions et leur immédiateté : tout d’abord, les twittos apprécient ce médium qui leur permet instantanément de publier ce qu’ils écrivent et d’en avoir un retour parfois immédiat, sous la forme des « FAV » (ou « LIKE »), quand un lecteur clique sur l’icône en forme de cœur, des RT (Retweets), lorsqu’il republie votre tweet à destination de ses abonnés, ou des réponses. « S’il n’y avait pas d’interactivité », écrit @LaurenceRetA, j’aurais abandonné Twitter depuis longtemps ». Les retours, sans lesquels Twitter serait « vite ennuyeux » d’après @zazlazinz, sont à la source du plaisir pris à tweeter, voire de l’addiction que peut devenir Twitter. Dimitri Lahaye : « Je ne postais pas des blagounettes pour ne pas être lu, ce serait comme raconter des blagues sous la douche le matin ça n’aurait eu aucun sens ». Une image amusante, à laquelle fait écho une autre métaphore, employée par Marc Hillman : « il est toujours plus agréable de jouer devant une grande salle remplie que dans un café-théâtre à moitié vide… ». Et l’on trouvera encore une autre analogie chez Emmanuel Talayrach :
« Je n’imagine d’ailleurs personne venant sur Twitter pour poster quelque chose sans en espérer une interactivité. Ce serait comme sortir de chez soi en hurlant dans la rue et souhaiter que personne ne réagisse, ni un quidam ni un flic ni un pigeon ou un chat errant. Bizarre. Même une feuille d’arbre pourrait vibrer au souffle d’une parole. Alors, parler en souhaitant que rien ne bouge, à quoi cela servirait-il ? »
Dimitri Lahaye apporte tout de même cette précision : « De là à dire qu’un tweet non lu est un tweet perdu, ce n’est pas vrai. J’écrivais pour être lu, mais les ‘échecs’ m’importaient peu ». Idée exprimée également par Paul Lambda : « Les FAV / RT font plaisir et peuvent constituer un encouragement comme une petite reconnaissance. (Ce n’est pas primordial mais les bonbons sont acceptés.) »
Mais sur Twitter, un tweet peut générer plus que des FAV ou autres RT de la part des lecteurs. En répondant, ces derniers peuvent devenir auteurs à leur tour, notamment quand on rebondit à un bon mot par une autre trouvaille, à laquelle pourra rétorquer aussi bien l’auteur du premier tweet qu’un nouveau venu dans la discussion ainsi créée.
Les interactions de cette sorte peuvent alors renforcer le plaisir pris à écrire et publier, voire provoquer une sorte d’ivresse quand elles forment un tourbillon vertigineux. « J’apprécie beaucoup les discussions où l’humour et les jeux de mots idiots confinent au surréalisme », nous dit @louleberou, qu’on voit souvent dialoguer avec des twittos comme @peaudlapin qui évoque d’ailleurs ces « joutes verbales », ou avec @JeanPaulepanda, lequel déclare :
« Très souvent […], je suis celui qui fait ‘rebondir’ le tweet d’un autre ! En jouant sur le mot, sur la rapidité de la réponse, sur la combinaison des thèmes, sur les sonorités, en incluant un soupçon de culture… et (presque) toujours en gardant l’envie de sourire. »
Parfois, le plaisir de susciter des réactions positives (FAV, RT, réponses enthousiastes) et celui d’être pris dans une tempête ludique peuvent se combiner quand on est à l’origine des échanges. On appréciera la métaphore de @JeanPaulepanda : « Twitter, n’est-ce-pas aussi susciter une envie de dialogue ? Lancer une boule dans la neige. Voir comment elle roule. Comment elle revient ‘gonflée’…. ».
On aura noté que les twittos interrogés présentent souvent un profil de personnes cherchant, davantage qu’à discuter et tisser de nouvelles relations sociales, plutôt à publier sur Twitter leurs trouvailles pour faire rire des inconnus ou montrer leur talent (@JLGdu54 : « Twitter m’a paru une bonne opportunité pour faire connaître ma production »). Lorsque je les ai interrogés lors de la conférence, Dimitri Lahaye et Pamela Chougne se reconnaissaient dans ce portrait-type, qui correspond aussi à ma propre expérience. Pour @Mythocondriaque aussi, Twitter apparaît plus dans un premier temps comme un support de publication que comme un réseau social propice aux rencontres : « à un moment où j’étais très pris professionnellement et personnellement avec une grosse baisse d’interactions sociales « détendues », j’ai eu besoin d’un exutoire et d’un endroit, un public pour exprimer ce qui me passait par la tête ».
A ce propos, le témoignage d’E. Talayrach offre un éclairage particulier, puisqu’il avait besoin de s’ouvrir à un nouveau réseau de personnes (« Une amie m’en a parlé car elle voyait que je m’ennuyais parfois et que, bloqué chez moi pour des raisons que je tairai ici, je manquais de relations sociales. Elle pensait que ce réseau social me permettrait de m’exprimer et de me créer de nouveaux liens ») mais s’est aussi vite rendu compte que le format des discussions ne convenait pas à sa manière d’échanger entre amis (« Les discussions sont sûrement aussi primordiale pour certains (pour moi, c’est compliqué de discuter ici : je ne suis pas synthétique comme garçon !) ». Là encore, pour les personnes interrogées, on voit que tweeter consiste avant tout à publier des tweets et éventuellement en lire, que chatter comme on le fait depuis qu’existent les forums.
Cependant, comme on l’a vu, l’interaction permet de passer de l’écriture de tweets à destination de lecteurs potentiels aux échanges tous azimuts avec d’autres auteurs-lecteurs. Twitter prend alors les allures d’un salon du XVIIIe s. où fusent les mots d’esprit, voire d’un atelier d’écriture humoristique. A partir de ces discussions où l’on cherche à briller, du moins à amuser la galerie, des discussions plus intimes ou profondes peuvent-elles naître, des relations affectives peuvent-elles se nouer ? Comme nous l’avons dit lors de la conférence, avec Pamela et Dimitri, il est certain que oui. Etre sur Twitter, c’est donc d’abord trouver un support de publication, puis c’est trouver du plaisir à diverses formes d’interactions et c’est aussi discuter avec des inconnus dont on se rapproche parfois.
Twitter, souligne Pamela dans le questionnaire, est un lieu d’échanges instantanés : « quelle que soit l’heure du jour où de la nuit il y a toujours quelqu’un avec qui interagir de l’autre côté de l’écran. On pose une question, la réponse est quasi immédiate. C’est plutôt très agréable ». Or, à partir de ces échanges, il peut se développer des relations suivies, et il peut même se produire des rencontres physiques donnant naissance à des histoires d’amitié voire d’amour dans certains cas. Bien que n’étant pas en quête, initialement, de nouvelles relations amicales, mais seulement d’un support de publication, à la manière de @Mythocondriaque que je citais, j’ai pu moi-même me rapprocher de certains twittos et les rencontrer en chair et en os. Il faut préciser que Twitter offre la possibilité d’échanges privés entre plusieurs individus ou entre un groupe de twittos : ainsi @Mythocondriaque et moi-même (ainsi que d’autres twittos cités dans ce questionnaire) faisons-nous partie d’un même groupe de discussions privées. Philippe Schoepen : « J’apprécie aussi le calme, la discrétion et l’efficacité des DM [les Direct Messages, messages privés]. Le fait aussi de faire de vraies connaissances par la suite ».
L’envers des plaisirs offerts par l’immédiateté des interactions qu’offre Twitter est le risque de l’addiction. Tout heureux de voir arriver ses premiers FAV ou RT au début de l’aventure, on peut vite devenir accroc aux notifications – ou par exemple, se plaindre, sur un ton amusé, de leur avalanche, quand on est dans l’œil d’un petit cyclone ludique, pour finalement ressentir un certain manque une fois le soufflé retombé. La raison semble assez simple à cerner et @MonsieurOmega la synthétise efficacement : « il faut bien avouer qu’un tweet qui marche bien, ça flatte l’ego ». Comme presque tout plaisir, Twitter peut constituer un vice. Marc Hillman compare ainsi l’habitude de tweeter à la cigarette. Contente d’avoir commencé à recevoir des FAV et autres RT, @Princess_Clebs laisse entendre qu’elle regrette finalement l’époque où elle se sentait moins débordée par les notifications : « J’ai passé plusieurs semaines sans interactions, ou très peu, et peu à peu elles ont augmenté. J’y ai pris goût, mais ça n’est pas un élément primordial, plutôt chronophage ».
La rapidité, l’immédiateté, le fait d’être pris dans un flux continu, peuvent donc aussi être à l’origine de désagréments. En général, les personnes interrogées disent apprécier l’interactivité de Twitter, mais portent aussi un regard critique et méfiant sur son caractère immédiat. Paul Lambda évoque la « facilité redoutable pour l’impatience » des publications instantanées. On peut regretter d’avoir twitté quelque chose très vite et de ne plus pouvoir le modifier, comme @Princess_Clebs : « lorsqu’on répond trop vite ou à chaud, impossible de modifier le texte. Je supprime parfois des tweets envoyés hors-contexte ou truffés de fautes ». Quand, par exemple, on a laissé une faute d’orthographe, la seule alternative est en effet de laisser son tweet en l’état ou de le supprimer, ce qu’on peut hésiter à faire s’il a déjà obtenu quelques retweets. Mais pour ces twittos dont la pratique est ludique avant tout, le problème qu’ils voient dans l’immédiateté ne vient pas tant de leurs propres tweets que de ceux provenant de comptes volontiers agressifs.
Eclairé peut-être par son expérience journalistique, @JeanPaulepanda observe que l’immédiateté « ouvre la possibilité du meilleur mais elle laisse filtrer le ‘tout-venant’. Gare aux double-sens… et aux paroles trop vivement lâchées au sein d’une polémique… ». @LaurenceRetA : « C’est plaisant mais c’est aussi un piège. Il est facile d’oublier de prendre le temps de la réflexion avant de poster un message. La vitesse associée à la concision peut parfois être source de brutalité. » Comme elle, la plupart des twittos, sinon tous, semblent conscients des travers de Twitter liés à l’extrême vitesse de diffusion des messages : la part excessive des réactions épidermiques prenant le pas sur la réflexion, la brutalité des échanges, la circulation de fausses informations. @zazlazinz : « C’est souvent source de fausses infos, l’affect prend le pas sur la réflexion. » ; @intwittoveritas : « Le danger est de tweeter sans avoir le temps de croiser les informations. A l’heure des fake news, il est indispensable de lire plusieurs sources avant de s’exprimer. » @peaudlapin dénonce les mêmes vices et pointe aussi le caractère éphémère des polémiques, qui participe de l’infobésité :
« Si on prend l’exemple des comptes d’informations, on lit des accroches ou des titres de plus en plus racoleurs qui sortis du contexte global ne reflètent pas forcement l’article de fond qui est annexé au tweet d’origine. Ces accroches font réagir instantanément des gens qui ne prennent pas (plus) le temps de lire l’intégralité des articles. L’information relayée est déformée. Cela devient viral. Le mal est fait. C’est symptomatique de l’époque. Les outils de communication nous invitent à toujours plus de réactivité. Et sur Twitter, on ne prend pas le temps de la réflexion. Comme une information chasse l’autre, la ‘twittosphère’ a vite fait de commenter un autre sujet d’actualité ».
Cela étant, @zazlazinz note que « ça peut aussi être parfois précieux, je me rappelle les attentats à Paris ou à Nice, les gens proposaient d’en héberger d’autres et là, c’était beau ».
Je ne devrais pas m’étonner que les personnes vers lesquelles je me suis tourné portent sur ces questions un regard très proche du mien… Et que tout comme moi, elles n’apprécient en général que très modérément le militantisme sur Twitter, dont presque tous se tiennent à distance, comme Marc Hilman : « C’est agaçant : une foire d’empoigne, dont j’essaie de rester à l’écart ». @JeanPaulepanda : « Jamais de polémique. Et si elle nait, trouver le contrepied le plus drôle possible. Et lâcher l’affaire. Comment ça je suis lâche ? Sinon, je me rends imperméable à ceux qui veulent vendre quelque chose ou militer… »
Il ne s’agit pas non plus de condamner a priori toute expression politique, comme le dit @zazlazinz (« On suit qui on veut, on n’est pas obligés d’entrer dans les discussions politiques. Je trouve bien qu’on puisse le faire dans le respect de la liberté d’expression (pas d’incitation à la haine etc…) »), ou Pamela Chougne : « Ça n’est pas un aspect qui me dérange dans la mesure où je suis peu de comptes qui ne parleraient QUE de politique. Le militantisme ne me pose pas de problème sauf quand il est violent ou agressif ou trop matraqué ». « Je ne suis pas venue là pour ça même si je ne m’empêche pas de m’exprimer à ce propos », déclare @LaurenceRetA.
D’autant que pour les twittos, l’actualité politique est une source d’inspiration. @MonsieurOmega : « je ne fais pas de politique sur Twitter mais je m’en moque souvent » ; @intwittoveritas : « En ce qui me concerne, mes piques politiques visent tous les partis. » Ainsi, les twittos peuvent avoir des convictions, mais ne croient pas dans les vertus du débat politique sur le réseau : « Twitter n’est pas un espace propice à la réflexion politique sereine et argumentée » (toujours @intwittoveritas) ; « Sauf en de rares situations, j’évite les agitateurs. Je m’intéresse à la politique, mais sur Twitter les débats sont trop passionnés, donc stériles » (@louleberou). Le constat dressé par @JLGdu54 est aussi clair que désabusé :
« Le personnel politique et les militants sont pathétiques sur Twitter. Ce qui m’a inspiré ce Tweet : ‘l’avantage en politique, c’est qu’il n’est même pas utile de savoir la pensée de son opposant pour être d’un avis contraire’. Les fake news pullulent et se propagent allègrement parmi les militants politiques. C’est consternant, mais il faut faire avec… »
Cela étant, puisque tous passent un temps certain sur Twitter, ils s’y informent également et ne voient pas passer que des informations fausses. Aussi la synthèse de @Princess_Clebs, qui prend en compte cet aspect, est-elle un peu moins négative (quoique…) :
« De façon générale, j’évite. Mais je lis parfois certains débats, ça me permet de lire des avis différents, d’en apprendre sur le sujet. Si j’évite en général, c’est parce que le nombre de ‘trolls’ et ‘extrêmes’ de tout bord est très élevé. Ça ne permet pas un débat constructif et ça peut me mettre dans un état d’agacement voire de tristesse, alors que je viens au contraire sur Twitter pour m’évader et rire. »
Cette méfiance générale envers les messages militants trouve une confirmation dans le retour d’expérience de Philippe Schoepen : « Je trolle plus que je donne mon avis réel. Je l’ai fait dans le passé et c’est très, très dur. Manipulations, faux comptes, harcèlement, intimidation pullulent sur Twitter dès lors qu’on défend une cause. Donc, c’est terminé pour moi. Je teste des vannes, des microrécits, et basta ». Enfin, je m’arrêterai sur le cas d’un twitto qui détonne un peu dans ce paysage : Philippe Briday affiche volontiers ses positions politiques et, sans verser dans une franche agressivité, il ne dédaigne pas la pratique du ‘trollisme’ envers les extrêmes. Pour lui, « Le tweet s’apparente à un collage d’affiche, les échanges à une distribution de tracts et les DM à du porte à porte ». D’un naturel semble-t-il optimiste, ce twitto aux réponses allant droit au but est peut-être le seul qui ne voit que des qualités à Twitter. Ou plutôt, qui accepte la plate-forme telle qu’elle est, avec toutes ses caractéristiques, sans s’en agacer. L’immédiateté des interactions ? « La rapidité est dans l’air du temps, elle favorise l’instinct et la sincérité ». L’importance des FAV, des RT ? « C’est essentiel dans la mesure où c’est ce qui génère de la visibilité ». La question du nombre d’abonnés ? « C’est le nerf de la guerre, le gage de la visibilité ». Les photos et autres gifs ? « J’utilise toutes ces ressources, c’est incontestablement un plus. » Et enfin, à propos des émotions négatives : « Tous ces sentiments sont présents, le plaisir aussi, comme dans la vie. Je n’envisage pas d’arrêter de vivre »[6].
Agacement, colère ou dégoût : le discours militant et les diverses polémiques semblent à l’origine d’émotions surtout négatives pour les twittos. Les risques addictifs que nous avons évoqués constituent un autre travers : le manque (de notifications), quand on est pris dans une spirale où l’on attend toujours plus de retours, ou le temps débordant sur les autres choses de la vie (travail, loisirs, relations affectives hors de Twitter… et les moments, sans doute indispensables à l’équilibre de chacun, où l’on ne fait rien[7]). Une des pires choses qui puissent arriver, sauf à rechercher un plaisir masochiste, est sans doute de subir un bad buzz ou une shitstorm, c’est-à-dire d’être la victime d’un flot de critiques et d’insultes. A ce titre, nous renverrons au témoignage de Pamela Chougne lors de notre conférence, où à l’article du « Parisien » relatant cette difficile expérience : http://www.leparisien.fr/laparisienne/loisirs-detente/humour-insolite/elle-rend-hommage-aux-mecs-bien-sur-twitter-son-message-devient-viral-17-09-2017-7266813.php[8].
Sans arriver à des situations aussi extrêmes, et en dehors du cadre militant, Twitter peut aussi générer de la lassitude, par exemple à cause du manque d’originalité des messages humoristiques. Le fait que chacun des comptes auxquels nous sommes abonnés puisse publier autant qu’il le souhaite, ainsi que la course au succès qui peut conduire à réutiliser des formules qui marchent, peuvent ainsi conduire à un excès de blagues déjà faites et refaites. Je partage d’ailleurs le ressenti de Pamela Chougne :
« Ayant une excellente mémoire des tweets que j’ai vu passer il m’arrive régulièrement de râler, plus exactement ‘chougner’ contre le fait que parfois Twitter ressemble à une maison de retraite dans laquelle Papy raconte toujours la même vanne mais tout le monde rit parce que tout le monde a oublié qu’il l’a déjà faite hier ».
Sur cette question, @peaudlapin exprime un avis très proche : « Beaucoup de plagiats, de redites, d’auto-retweets (j’ai la mémoire des mots). Une impression de tourner en boucle qui gâche le plaisir de la lecture. » En tant que lecteur, il vaut donc mieux être globalement bon public, oublier facilement les tweets et ne pas être trop attaché à l’originalité. C’est le cas de Dimitri Lahaye, qui par conséquent ne se plaint pas de cet aspect-là de Twitter : « Je voyais beaucoup de gens se plaindre du plagiat ambiant ou du manque d’originalité de certains comptes. Je m’en moquais. Tant que j’avais encore des gens à suivre qui me faisaient rigoler ou rêver, les autres font bien ce qu’ils veulent. »
Avec le plagiat, nous touchons à un phénomène très répandu, qu’il faut distinguer de la question du manque d’originalité. « Je déteste le plagiat », dit Emmanel Talayrach, et il n’est pas le seul : le compte @LeDemoti est animé bénévolement par des twittos qui dénoncent les tweets plagiés[9]. En même temps que leurs premiers succès, les twittos rencontrent l’expérience d’être plagié, comme cela est arrivé à @peaudlapin :
« Je suis fondamentalement contre le plagiat (à titre personnel, et pour ce que j’en sais, 2 aphorismes repris à compte personnel par deux ‘auteurs’ différents dans des recueils de tweets sans demander aucune autorisation). Beaucoup de twittos sont victimes de cette pratique douteuse. Dans les faits, quand on se fait voler des mots, on se sent comme dépouillé. »
Ainsi qu’à @intwittoveritas :
« J’ai souvent été ‘victime’ de plagiat, tant sur FB que dans des livres qui reprenaient quelques-uns de mes tweets sans m’avoir demandé l’autorisation. Je ne suis pas assez calée en ‘droits d’auteurs’, mais il faudrait un statut spécial, une sorte de statut d’amuseur public certifié ! »
Mais, comme le remarquent notamment @MonsieurOmega, @Mythocondriaque ou Marc Hillman, le plagiat et l’originalité sont une question délicate pour les humoristes et les joueurs de mots de Twitter : il n’est pas toujours aisé de distinguer une blague déjà faite d’une blague copiée, et il est tout aussi difficile de proposer un contenu vraiment original. A moins d’être consciencieux voire « maniaque », comme se définit @PamelaChougne, ce qui risque d’aller à l’encontre d’une pratique insouciante et spontanée :
« Je suis fondamentalement contre le plagiat. Je suis une maniaque de la vérification et du moteur de recherche de Twitter, je vérifie quasi chacun de mes tweets. J’ai pour ‘ambition’ de donner à lire/voir/rire à ceux qui ont la gentillesse de me suivre un contenu le plus original possible. »
Certes, il est fort possible qu’en comparant à d’autres maux, même ceux qui voient dans le plagiat une des principales plaies de Twitter (j’en fais moi-même partie[10]) tombent d’accord avec @zazlazinz : « le plagiat, je ne l’apprécie pas mais je le crois inéluctable. Ce n’est pas un sujet grave pour moi. »
Un autre sujet de débat qui me semblait pouvoir rencontrer l’intérêt des twittos était celui de la liberté d’expression, liée dans mon esprit aux limites que doivent se fixer ou non les comptes humoristiques[11]. La très grande liberté de ton offerte par le réseau est appréciée, surtout par ceux qui adoptent un avatar leur permettant de ne pas s’exposer directement. @MonsieurOmega : « J[e] prends plus de libertés [sur Twitter] que sur Facebook car j’y suis anonyme. Je ne censure aucune vanne » ; « La liberté d’expression est un des aspects que je préfère. Je ne m’interdis pas grand-chose mais j’essaie de n’insulter personne. » Mais à l’inverse, ces mêmes caractéristiques conduisent aussi à des messages violents dont se plaignent les twittos, comme @intwittoveritas : « La liberté d’expression sur twitter et surtout l’anonymat engendrent une réelle violence. Il y a un manque évident de modération des propos ». Le regard que portent ces habitués de Twitter sur le réseau ne débouche donc pas sur l’éloge d’une liberté d’expression absolue que ne saurait faire taire aucune censure. @Princess_Clebs :
« La liberté d’expression est devenue un concept fourre-tout, amplifié par les attentats de Charlie Hebdo. Cette notion primordiale est malheureusement trop souvent détournée et utilisée de façon fallacieuse. ‘La liberté de chacun s’arrête où commence celle d’autrui’, je pense que la liberté d’expression aussi. »
Sans aucunement prôner la censure, mais en rappelant que les tweets sont soumis aux mêmes obligations légales que tous les autres énoncés, @Mythocondriaque établit spontanément un lien entre l’agressivité et les formes extrêmes de militantisme que nous évoquions :
« La liberté d’expression est régie par la loi. Ça reste valable sur Twitter. Je supporte pas le racisme, le sexisme mais je n’aime pas non plus l’hyper féminisme etc. Les trolls font partie du paysage et j’évite les débats qui donnent de l’importance à ceux qui n’en méritent pas. »
Face à ces excès, @peaudlapin rappelle que chacun peut d’une part construire sa propre TL en choisissant ses abonnements, et d’autre part signaler ceux qui dépassent les bornes :
« Sur Twitter, c’est a priori assez bien encadré puisqu’on peut signaler les personnes qui dépassent les limites (harcèlement, messages haineux, racisme, pornographie…). Mais à chacun aussi de veiller à suivre les « bonnes » personnes. N’oublions pas que chaque twitto se créé sa propre timeline et qu’il peut se défaire quand il le souhaite des personnes qu’il juge nuisibles à son environnement. »
La solution repose-t-elle sur la responsabilité des utilisateurs ? En tout cas, « dans l’idéal », il « devrait » en être ainsi, d’après @Balooz : « Tout aspect des réseaux sociaux devrait dans l’idéal être équivalent à ce qui se passe au quotidien… pourquoi se comporter comme s’il n’y avait aucune conséquence juste parce que c’est « virtuel » ? (en fait ça ne l’est pas, les gens derrière les comptes Twitter sont bien réels) ».
Pour tenter une rapide synthèse sur cette vaste question que les questionnaires ont à peine permis d’esquisser, nous rappellerons que les tweets sont soumis en effet aux obligations légales qui régissent les publications et qui fixent certaines limites à la liberté d’expression. Et qu’à l’instar d’autres plates-formes, tel Facebook, Twitter procède à une modération pour censurer les contenus haineux. Mais que cette modération, qui repose en grande partie sur les signalements des usagers, laisse passer une grande part de publications clairement répréhensibles et frappe parfois, à l’inverse, des tweets dont la censure laisse perplexe. Il faut dire aussi que nous estimerons qu’un tweet choquant va trop loin moins par rapport aux termes exacts des lois (qui par ailleurs sont sujettes à l’interprétation au cas par cas) qu’en fonction de la sensibilité de chacun. @peaudlapin : « Gros débat que celui de la liberté d’expression, chacun ayant son propre seuil de tolérance. » @Larayplique :
« Les gens n’aiment pas qu’on rie (par exemple) de ce qu’ils aiment, de ce en quoi ils croient, de ce qui les touche, mais si vous multipliez les passions, les croyances et les douleurs par sept milliards, cela devient compliqué de faire de l’humour. »
Les deux sujets de l’originalité et de la liberté d’expression ont été proposés aux twittos pour stimuler leur esprit d’analyse, mais aussi pour les inciter à s’exprimer sur tout ce qui peut leur apporter du déplaisir, afin de définir au mieux les mauvais côtés de l’expérience Twitter. Dans la même veine, je les ai interrogés sur le nombre d’abonnements, c’est-à-dire sur leur propre popularité et sur celle des autres. C’est là un sujet qui amène depuis longtemps les usagers de Twitter à parler de comptes « sous-cotés » ou au contraire « surcotés » dans ce que l’on a coutume d’appeler le tweetgame. Ces différents termes sous-entendent que si Twitter est un jeu, c’est un jeu au sens d’un sport (« que le meilleur gagne ») qui n’échappe pas à l’esprit de compétition. Or, il existerait des règles essentiellement implicites encadrant ce jeu : pour le twitto qui arrive dans le réseau en quête de reconnaissance, son nombre croissant d’abonnés constitue un indicateur de son succès. Seulement, si l’on parle non seulement de tweetgame mais aussi de « sous-cotés » et de « surcotés », c’est bien que l’indicateur de popularité qu’est le nombre d’abonnés n’équivaut pas toujours à un indicateur de qualité, et que le système ne serait méritocratique qu’en apparence. Ce qui suppose, par ailleurs, que l’on croie à des critères objectifs permettant de jauger la qualité d’un tweet[12].
Avec sincérité, Emmanuel Talayrach porte un regard amer sur la course au succès :
« Pour le nombre d’abonnés, j’aimerais en avoir plus et un ratio avec le nombre d’abonnements plus grand. Mais je comprends que, à moins d’être une célébrité ou une voix qui compte, il faut en passer par des échanges de bons procédés avec certains qui tiennent les rênes. Il y a comme une sorte d’allégeance à tenir pour qu’on nous lise à notre valeur. Franchement. »
Aussi parle-t-il du tweetgame comme d’un « jeu faussé » par le « copinage ». Je ne lui donnerai pas entièrement tort… A propos du nombre d’abonnés, l’avis des twittos rejoint naturellement ce qu’ils disent des autres formes de reconnaissances que sont les RT et les FAV : il est plus agréable de trouver un public que d’avoir l’impression de parler dans le désert, et les signes de succès sont plutôt flatteurs. @intwittoveritas : « Cela me fait plaisir d’avoir un peu d’audience, mais je ne me lève pas tous les matins en comptant mon nombre d’abonnés ! ». Beaucoup disent se moquer, ou vouloir se moquer, de leur nombre de followers : « J’essaie de m’en foutre le plus possible — RT/FAV nombre d’abonnés —, ce n’est rien que du vent… » (Paul Lambda) ; « Je n’en ai pas grand-chose à faire, je suis surtout là pour me faire plaisir, peu importe ma ‘visibilité’ » (@Balooz).
Et l’on a vu que franchir un certain cap pouvait donner la nostalgie d’une époque où l’on se sentait moins débordé par les interactions avec un public dont on est devenu de moins en moins proche. Ainsi certains, comme Philippe Schoepen ou @peaudlapin, disent-ils chercher la qualité plus que la quantité, en essayant de capter l’attention de lecteurs intéressants.
Il reste néanmoins difficile, même lorsqu’on pense n’attacher nulle importance à ces questions de taille, d’appréhender un tweet ou un compte sans le rapporter à une échelle. C’est ce qu’explique Pamela Chougne, qui propose par ailleurs une solution :
« Depuis quelques mois j’ai téléchargé une extension qui masque le nombre de followers, le nombre de RT et le nombre de fav. Et, franchement, ça fait du bien. Je me fiche du nombre d’abonnés ou du nombre de RT mais, malgré moi, je me fais influencer. Parce que je refuse cette influence, j’ai installé l’extension, ça me permet de me sentir dégagée encore plus de cette course aux RT. Je n’ai jamais aimé ça, je me considère comme ne faisant pas partie de ce que Twitter appelle ‘le Tweet Game’. »
On peut d’ailleurs se demander si l’importance de données métriques n’a pas un effet négatif plus pervers que le simple fait de nous « influencer » malgré nous. Je pense par exemple au fait de se comporter en meute. Lorsqu’il décrit le « copinage » sur Twitter (voir plus haut), E. Talayrach note que « les clans y [so]nt légion », que « beaucoup d’hypocrisie y règn[e] » : « les relations étaient comme dans la vraie vie mais avec une négativité décuplée de par le fait de l’anonymat possible. Anonymat rendant aussi l’insulte monnaie courante pour qui voudrait taper sur une célébrité ou gratuitement, comme ça, pour rien, sur tout un chacun. » D’ailleurs, l’hypocrisie entre prétendus amis est une chose, l’inimité voire la haine en sont une autre et il est évidemment désagréable d’en être soi-même la cible. Nul n’est à l’abri d’être l’objet d’une fixation malsaine, de la part d’un individu haineux ou déséquilibré. A ce propos, Marc Hillman le confesse : « on est attaqués par des jaloux et on pense parfois à jeter l’éponge ».
Dimitri Lahaye tente de synthétiser les conséquences négatives que peut entraîner le fait de laisser le rapport aux chiffres déterminer notre rapport aux autres :
« Dès qu’on essaye de catégoriser des comptes en fonction de ce type de critères on finit par se rendre compte que dans la catégorie « sous coté » ou « gros compte » on trouve des comptes qui n’ont aucun rapport les uns avec les autres. Ces critères ne sont basés que sur des données statistiques issues de Twitter, qu’elles soient pures (le nombre de mentions, de partages) ou traitées en amont par la plateforme (les taux de conversion et j’en passe), ces données ne devraient intéresser que les marketeux. Mais dans un microcosme social, on a tendance à vouloir catégoriser, trier, histoire de savoir dans quelle case ranger les gens qui nous entourent et où se ranger soi-même. Le souci c’est que les chiffres ne devraient servir qu’à quantifier, pas à qualifier. C’est l’erreur que font certaines personnes ».
On l’a vu, les questionnaires invitaient donc les twittos à s’exprimer sur les bons et encore plus sur les mauvais côtés de Twitter. Que certains gardent bien à l’esprit, comme Paul Lambda :
« Je suis […] bien conscient de l’aspect chronophage et potentiellement addictif que ce média représente, aussi je m’en méfie… Je me méfie également d’une certaine pente qui me ferait croire que ‘tweeter c’est exister’ ».
Aussi ai-je soumis les questions suivantes : « Twitter vous apporte-t-il aussi de l’agacement, de la déception, de la frustration ? Ou encore de la lassitude ? Ces sentiments négatifs pourraient-ils l’emporter sur le plaisir pris à tweeter ? Avez-vous songé à arrêter de twitter, voire à désactiver votre compte ? » En effet, qu’est-ce qui pousse à quitter la plate-forme : est-ce l’accumulation de réactions négatives ? Est-ce la perte du plaisir pris à twitter, la lassitude ? Y a-t-il une durée de vie moyenne à un compte twitter ? A cette dernière question pourraient répondre des éléments statistiques dont je ne dispose pas.
En revanche, ce que m’ont dit les twittos, c’est que de la déception ou de l’agacement, il y en avait forcément puisque Twitter est une « extension de notre réel » (@Balooz), « une forme de microcosme où l’on peut rencontrer tous les sentiments humains » (@zazlazinz). Surtout quand le réseau apparaît comme une échappatoire au quotidien mais qu’y venir ne fait que « doubler » notre morosité, explique @Balooz. Dans ces cas-là, où l’on peut songer à arrêter, la solution peut être de s’éloigner quelque temps : soit ne plus venir voir le site ou l’application, soit désactiver son compte un moment pour être sûr de s’en détacher. Les vacances, pour @MonsieurOmega par exemple, peuvent être l’occasion de faire une pause. Pamela Chougne : « je pense que j’aime Twitter à la mesure de ma détestation ponctuelle. Parfois j’éprouve tout cela. Alors, je coupe, et je reviens quand je me sens mieux. »
Les profils diffèrent en fonction du vécu de chacun. Par exemple, on sent que @mimignardise est affectée par l’agressivité en général, et bien sûr particulièrement par celle qu’elle ressent à son égard, qui la « perturbe » et lui donne la conviction qu’elle finira par arrêter. @peaudlapin :
« Agacement et lassitude reviennent de plus en plus régulièrement. J’ai fait une coupure de 2 mois assez récemment pensant même m’arrêter définitivement. Je n’avais pas désactivé mon compte. J’ai reçu quelques messages pour m’encourager à revenir. Je n’ai pas résisté à l’appel (Twitter a sa façon très particulière de titiller l’égo 🙂 »
Peut-être que plus un twitto est là depuis longtemps, plus le risque est grand qu’il en ait assez. @LaurenceRetA, arrivée plus récemment, parvient encore à faire de Twitter une parenthèse insouciante à l’abri des mauvais côtés que nous évoquons, mais, dans son cas, c’est de se reconnaître victime d’une certaine addiction, qui lui donne envie de s’éloigner un peu. On retrouve le même ressenti chez @Mythocondriaque, qui lui aussi n’est affecté que par le caractère chronophage de Twitter : « j’ai déjà eu envie plusieurs fois d’arrêter et de fermer mon compte à cause du temps que ça me prenait. » Pour trouver un équilibre, il donne une astuce : « j’ai fait un compromis en prenant partie d’un usage ‘égoïste’ ou ‘égocentrique’ », c’est-à-dire qu’il publie essentiellement mais lit et interagit peu, « qui me permet de ne pas passer trop de temps dessus ».
Mais le témoignage de @intwittoveritas nous permettra de terminer par une note positive. Pour elle, Twitter reste un jeu : « Ni agacement, ni déception, ni frustration, je viens sur twitter quand j’en ai envie, quand j’ai envie de jouer à ce ‘je de société’, j’ouvre la boîte, j’avance mon pion… ».
En parlant aux twittos du moment encore incertain où ils arrêteront, on les confronte à un avenir qu’ils n’envisagent pas. La plupart ne s’est pas posé ce genre de questions et évoque un rapport « au jour le jour », sans programme (sans « business plan », ironise @LaurenceRetA). Aux propos de @Princess_Clebs, « je le vis au moment présent, […] je profite juste de ce que ce réseau peut m’apporter », font écho ceux de @zazlazinz : « J’y suis tant que ça me plait et que je m’y amuse. Carpe diem ! »
Malgré cette recherche de légèreté, tous ne sont pas à l’abri d’interrogations philosophiques ou existentielles. Finalement, tout ce qu’on aura twitté, qu’est-ce que cela aura représenté ? Est-ce que cela mérite d’être sauvé de l’oubli ? Twitter est un espace propice aux contenus éphémères. Pamela Chougne :
« Il y a un côté négatif c’est que rien ne reste, l’actualité c’est 24 heures, grand maximum, je ne sais pas exactement quel est le ‘délai de vie’ d’un tweet quand il apparaît dans une TL mais ça n’excède probablement pas une heure ou deux. C’est assez frustrant pour moi qui viens de l’univers des livres et des blogs, j’aime qu’il reste une trace. Ce n’est pas comme ça que fonctionne Twitter 🙂 »
En effet, Twitter est avant tout une entreprise, dont l’intérêt est que les utilisateurs twittent beaucoup et génèrent beaucoup de réactions. Le fait qu’un tweet soit amené à en chasser d’autres, pour être à son tour relégué dans l’oubli, relève donc d’un fonctionnement normal et même programmé : la plate-forme n’est pas du tout conçue comme une archive. Et pourtant, on peut se saisir de cette fonctionnalité imprévue par ses créateurs. Puisque certains s’emparent de Twitter pour y publier leur production alors que l’édition papier leur est inaccessible, le prolongement naturel de cette démarche est d’utiliser ensuite la plate-forme comme un support non seulement de publication mais aussi de conservation de leurs écrits. Voici donc comment @peaudlapin envisage l’avenir : « si je décide un jour de partir de Twitter, je ne fermerai pas mon compte. J’écris pour le plaisir des mots et aussi pour laisser une empreinte, si modeste soit-elle ».
Cependant, il faut savoir que la politique actuelle de Twitter est de supprimer tout compte inactif plus de six mois – autre élément encourageant la production en grand nombre de tweets éphémères. C’est ce qui est arrivé à Dimitri Lahaye. Fatigué par les échanges entre « trolls », « attention whores » et « SJW » (voir son questionnaire et la conférence filmée), il avait décidé d’arrêter : « Agacement, frustration, lassitude, ont fait que les moments cool passés sur Twitter ne faisaient plus le poids sur les moments négatifs. » Tous ses tweets, mais aussi tous ses « moments » (carnets de tweets à dérouler, consacrés dans son cas à des twittos dont il proposait des sélections de leurs meilleurs tweets) ont alors été perdus. Pour lui, qui s’en souciait peu, se satisfaisant d’avoir sauvegardé certains montages graphiques et d’avoir vu certaines de ses créations reprises sur des sites (comme Buzzfeed)… mais également pour ses lecteurs. En tout cas, si Twitter conserve la même politique d’archivage, la destinée de toute production sur Twitter sera de ne pas survivre plus de six mois à son auteur, une fois celui-ci empêché de twitter pour diverses raisons… Dont celle, fatale, qui nous attend tous un jour ou l’autre.
Ces questions sur la durée de vie des tweets et des comptes rejoignent celles qu’on peut se poser sur leur statut littéraire ou artistique. Les twittos étaient également invités à se prononcer sur cet aspect. Beaucoup ont dit que les tweets pouvaient tout à fait constituer une forme d’art, mais qu’ils ne pensaient pas à leur propre production. On peut imaginer que cette réponse a été en partie dictée par le souci d’être modeste, mais elle correspond aussi à la volonté d’une pratique insouciante dont nous avons cité plusieurs exemples.
Par ailleurs, Twitter ne sert pas à publier que des mots : que pensent les twittos des possibilités offertes en matière de sons et d’images de toutes sortes ? Rares sont ceux, parmi les comptes vers lesquels je me suis tourné, qui les explore fréquemment (même si la plupart intègrent sans même y penser les emojis et autres gifs à leurs tweets). On pense à Pamela Chougne, connue pour ses gifs et autres courtes vidéos, ou encore pour ses ‘bots’ (voir la conférence filmée). Marc Hillman, Philippe Schoepen ou Emmanuel Talayrach trouvent « séduisant » ou « intéressant » le caractère plurisémiotique des tweets, mais n’ont pas le temps de développer les compétences techniques nécessaires à une bonne maîtrise. Comme le résume @LaurenceRetA : « J’aime effectivement bien la diversité des supports même si ceux que j’utilise sont peu variés. Si j’avais les compétences adéquates j’en utiliserais davantage. Ce n’est pas le cas, tant pis ! ». Pour certains, comme @Mythocondriaque, le recours aux gifs ou aux photos, le jeu avec les memes et les hashtags constituent un élément primordial de Twitter et de leur propre pratique. @Larayplique : « J’adorerais être plus calé et que tout cela me paraisse plus naturel. En attendant, je me borne aux fonctionnalités les plus basiques ». @Princess_Clebs :
« Cela me permet de choisir un support plus adéquat à ce que je compte tweeter. Par exemple, un jeu de mot VS un montage photoshop, le résultat et l’impact est différent. Je n’ai pas l’impression d’exploiter toutes les ressources de la plateforme, par exemple j’aimerais apprendre à faire des GIF et des montages vidéo. De plus, j’apprends peu à peu les possibilités de réglages des paramètres, n’ayant jamais pris la peine de les explorer au départ (par exemple la recherche avancée, les différents filtres et masquages). »
En revanche, @mimignardise ou @peaudlapin n’ont pas besoin d’images : « C’est un peu une question de génération (#TeamVieux !) », relève @peaudlapin. @Rosa_Rosam, encore moins : « Je préfère les mots aux images. Pour les photos, il y a IG [Instagram] » ; « Je n’apprécie pas outre-mesure les détournements vidéo ou encore les montages. » Quant à @JeanPaulepanda, s’il manie essentiellement les mots et ne se sent pas spécialement à l’aise avec la technologie, il est cependant fervent d’un exercice humoristique particulièrement apprécié sur Twitter :
« Séduit par quelques ‘maîtres’ en la matière, j’ai apprécié au fil du temps l’exercice particulier de la ‘légende’ photo. Mettre en scènes des personnages, des animaux, décrire un lieu et faire passer grâce à la photo le petit plus qu’on espère drôle, c’est très jouissif ! ».
Je m’arrêterai pour conclure sur les réponses de Paul Lambda, qui établit un lien entre la nature artistique des créations et la volonté de les préserver de l’oubli. D’une part, pour lui, il n’y a pas de véritable forme-tweet ; le tweet ne constitue pas un nouveau genre artistique (au sens d’un poème, d’une nouvelle, d’un tableau, d’un film), car Twitter n’est qu’un « support » :
« Le tweet n’est rien en soi. C’est un support de publication pour fragments, aphorismes, haïkus, micro-poèmes, calligrammes et autres cacahuètes, en ce qui me concerne, ou d’images fixes ou animées. Les tweets n’ont rien d’original en tant que forme d’expression artistique, c’est leur contenu qui peut en être une, selon les profils, selon les fragments. »
D’autre part, il ne considère pas vraiment ses tweets comme des produits finis, mais se soucie de leur assurer une certaine durée de vie en leur donnant un nouveau cadre : « Les tweets ne sont qu’une étape, pour moi, une étape de publication, comme une forme de publication (avec les images intercalées). Ensuite je recueille certains des fragments dans de petits livres auto-édités pour l’instant, ou dans une anthologie permanente pour les citations… Donc je passe alors au support ‘papier’ et m’affranchis de Twitter ».
Encore moins destiné à durer que le texte publié sur un blog ou un site, le tweet aurait donc besoin du papier pour s’affranchir du flux numérique et accéder à une relative immortalité. Et après tout, même si nul ne vient les arracher à l’oubli, rien ne dit que les tweets seraient par nature dépourvus de toute dignité artistique, puisque toujours d’après Paul Lambda : « Il y a […] quelque chose d’assez fascinant (et d’aquatique) dans ces mondes (TL) qui se déploient, se croisent et qui filent, et comme disparaissent au fur et à mesure ».
Publié le 17 juin 2019
[1] Pour découvrir ce dont il s’agit, on peut simplement entrer « #RetirezMoiPhotoshop » dans un moteur de recherche ou sur Twitter, mais aussi consulter la vidéo courte et claire réalisée par @LesNawaks : https://twitter.com/LesNawaks/status/1006153943989346304.
[2] Cf. le hashtag #holorimes, apprécié notamment par Marc Hillman, qui a tenu pour Le Figaro une rubrique de vers holorimes (voir : http://www.lefigaro.fr/langue-francaise/expressions-francaises/2017/07/16/37003-20170716ARTFIG00001-l-holorime-du-jour.php). Voir aussi les productions de Fabien Janssens, actif sur son blog « Les bons de Fabiano » (URL : http://fabienjanssens.blogspot.com/), et sur Twitter via son compte @haromatisait. J’ai d’ailleurs préparé une sélection de ses tweets reposant sur des jeux homophoniques de haute volée : https://twitter.com/i/moments/969310295343681541.
[3] Pour consulter d’autres entretiens de ce type, on peut trouver sur le site Twankerporation un nombre important de courtes interviewes de twittos dont le but premier est d’amuser la galerie : cf. http://twankerporation.fr/interviews.
[4] Voir la conférence filmée « Twitter : espace d’humour et de création » : https://uptv.univ-poitiers.fr/program/vitesse-des-ecritures-numeriques-le-cas-twitter/video/49778/twitter-espace-d-humour-et-de-creation/index.html.
[5] Dans un second temps, ces nanofictions ont donné lieu à une publication papier avec un livre édité par Flammarion.
[6] A propos de la brutalité des échanges sur les réseaux sociaux numériques, cf. Romain Badouard, Internet et la brutalisation du débat public, « La vie des idées », https://laviedesidees.fr/Internet-et-la-brutalisation-du-debat-public.html; Arnaud Mercier, L’ensauvagement du web, « The conversation », http://theconversation.com/lensauvagement-du-web-95190.
[7] Quand ils décident de couper définitivement ou temporairement avec Twitter, les twittos justifient parfois leur choix par des témoignages éclairants. Par exemple, cf. le message d’@TributDuSujet : https://twitter.com/TributDuSujet/status/1119873191751630849.
[8] Pire encore qu’une shitstorm ponctuelle, il y a le cyber-harcèlement que l’on subit sur la durée. Et dans certains cas, les harceleurs ne s’arrêtent pas à la frontière du numérique, allant jusqu’à intimider physiquement leurs victimes.
[9] Plutôt que de citer ici certains plagiaires notoires, qui ne méritent pas qu’on les mentionne, nous renverrons donc vers @LeDemoti ainsi que vers ce thread (contenant entre autres un lien vers une vidéo du youtuber Sylvqin, https://www.youtube.com/watch?v=Lh7BTN1QHH0&feature=youtu.be&t=324) de @Machinofficiel expliquant le business du plagiat : https://twitter.com/MachinOfficiel/status/1067912933114564608
[10] J’ai consacré un fil de tweets à la question du plagiat et surtout de l’originalité : https://twitter.com/EtienneBoillet/status/1126847017672687616.
[11] Pour avoir un aperçu de l’humour extrêmement grinçant et corrosif que s’autorisent de nombreux twittos, voir cet article où est notamment évoqué, avec plusieurs exemples, le hashtag #lundinolimit : http://lafraise.eklablog.com/discernement-cernement-a128701616.
[12] A propos de la course au succès et du sentiment d’échec qu’elle peut générer, j’inviterai à lire cette enquête réalisée à partir des témoignages des utilisateurs d’une autre plate-forme, Youtube : https://www.numerama.com/pop-culture/510021-remuneration-difficile-manque-de-reconnaissance-les-petits-videastes-ont-le-blues-sur-youtube.html. L’insuccès peut y être d’autant plus mal vécu que youtuber est apparu aux personnes interrogées comme un véritable projet de carrière auquel s’articulait toute leur vie.